Alexandre Tcherkassov constate que la propagande est devenue plus puissante aujourd'hui. Alors qu'à l'époque soviétique, le nombre de journaux et de chaînes de télévision était limité, la propagande se déploie désormais par le biais d'innombrables nouvelles plateformes sur Internet.
Hier comme aujourd'hui, il y a au cœur de la propagande de Moscou l'affirmation que la guerre que ses militaires conduisent dans un pays étranger est une guerre préventive. On retrouve chez les dirigeants soviétiques et russes l'idée que l'intervention est nécessaire pour contrecarrer les plans de l'OTAN. Cette rhétorique renforce dans l'esprit des Soviétiques et des Russes l'idée que leur pays livre une « guerre juste ».
La propagande militaire emploie des arguments qui aident les citoyens à ne pas se sentir complices d'un crime. Selon Tcherkassov, cela est dû au fait que les dirigeants ont conscience du fait que chaque individu éprouve le besoin de sentir qu'il se conduit de façon honorable. Les gens veulent croire qu'ils sont forts et honnêtes, qu'ils tiennent parole et qu'ils protègent les faibles.
Le rôle de la propagande dans la justification de l'agression
« Au départ, nos troupes sont entrées pour aider les Afghans à créer des entreprises, à soigner les malades… Le contingent de troupes soviétiques en Afghanistan était limité. »
— Nikolaï Kirjenko, vétéran de la guerre d'Afghanistan originaire de Kirov
« Toutes nos actions visent à aider les personnes qui vivent dans le Donbass. C'est notre devoir et nous le remplirons jusqu'au bout. »
— Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie
- « Nous n'attaquons pas, nous nous défendons » ; « nous ne violons pas les traités, ce sont les autres [pays] qui les violent » ; « nous ne sommes pas les agresseurs, c'est l'ennemi qui est l'agresseur » ; « nous protégeons les civils » : tout cela vise à créer chez les gens le sentiment qu'ils se trouvent du bon côté, du côté de la justice. Et doit les motiver à participer davantage [à la guerre ou à sa justification] », explique Alexandre.
« Tout ça, c'est de la politique. Ceux qui souffrent, ce sont les individus lambda. »
— Iskhak Baïchev, vétéran de la guerre d'Afghanistan, originaire de Penza
« Chaque jour, des civils souffrent et meurent dans le sud-est [de l'Ukraine]. »
— Svetlana Petrenko, représentante officielle du Comité d'enquête de la Fédération de Russie
Dans la même logique, les propagandistes et les autorités s'efforcent de ne pas utiliser le mot « guerre ». L'emploi des formules « introduction d'un contingent limité de troupes » en Afghanistan et « opération militaire spéciale » en Ukraine vise à faire en sorte que ces événements soient perçus comme quelque chose de positif, d'indispensable et de nullement honteux.
« Dans le journal [militaire], nous écrivions sur tout ; seulement, des mots comme « blessé », « bataille » ou « embuscade » étaient remplacés. Parce que nous n'étions pas censés être en guerre, nous étions là pour faire de l'aide internationale. C'était en 1981-1983. »
— Nikolaï Kirjenko, vétéran de la guerre d'Afghanistan originaire de Kirov
« La Russie ne fait pas la guerre. Nous ne faisons pas la guerre. La guerre est une chose totalement différente, c'est la destruction complète des infrastructures, la destruction complète des villes, etc. Nous ne faisons pas cela. »
— Dmitri Peskov, porte-parole du président de la Fédération de Russie
- Mon regretté ami Micha Rozanov a écrit un article intitulé « Je suis un antifasciste ». L'une des observations qui y figure est la suivante : « Le fascisme rend toute la nation – les bons et les méchants, de façon consciente ou non, et même les victimes – complice des crimes qu'il commet. », conclut Alexandre Tcherkassov.